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Photo du rédacteurcarolebrandon

Iris

Au bout de la vitrine des estampes ou plutôt des ukiyo-e, surgit Utagawa Hiroshige. Deux oeuvres. Des iris. C'est fou comme cette fragile représentation presque insignifiante a pu autant me toucher. Evidemment il est connu bla bla bla mais elle était pas intellectuelle cette sensation, elle était corporelle. Il y a cette manière toute japonaise de gérer la perspective par étages et pas par plans. Ainsi tous les éléments semblent suspendus car ils tiennent selon une verticalité où chaque intervalle est à la fois geste et mouvement. C'est pas Delacroix ici....C'est cette imperceptible respiration de l'entre, le Ma que j'aime tant. Alors regarde bien les iris qui occultent le premier plan. Quelle étrange présence : ils strient la verticalité pour laisser affirmer les étages. Et l'oeil passe entre. Il faut le penser en gravure, à l'inverse, les vides sont les pleins, les lignes sont les contours. Quand tu regardes l'autre estampe tu reprends ton souffle dans le vide entre le frétillement immobile des oiseaux et l'incroyable flottement des iris. Tu le vois cet espace entre, si puissant si présent que tu sais pourquoi cette oeuvre me séduit. Regarde comme les iris s'agitent si fragiles à la surface. J'ai pensé à Manet. C'est pas un iris dans une des lettres à Isabelle Lemonnier mais vois la légèreté du geste de ce peintre déjà bien malade : la fluidité de l'écriture enveloppe cet espace entre dont la fleur joue l'écho. Tout fait image avec Manet mais c'est un espace qu'il nous impose pas des symboliques ou une representation de la réalité . Pour Foucault le génie de Manet est d'abolir cette peinture du lisible pour nous confronter à une peinture du visible. "Joué la propriété du tableau de ne pas être un espace normatif dont la représentation fixe au spectateur un point unique d'où regarder" (Michel Foucault, sans titre 1964 dits et Ecrits tome1, Gallimard quatro 1994 p.325) d'entrer donc corporellement par où on veut dans cet espace. Evidemment Manet Monet Van Gogh ont vu des estampes. Ils les ont même copiées voire collectionnées. Bien sûr qu'ils ont puisé cette conception particulière de l'espace chez les japonais. Regarde comme leurs iris en cette fin de vie pour ces 3 peintres là, parlent de l'éternel présent, de l'éphémère imprimé et d'un espace-temps flottant.



Edouard Manet Lettre autographe à Isabelle Lemmonier dites Lettres à Isabelle : gueules de loup rouges, 20 Oct 1880, Photo (C) RMN-Grand Palais (musée d'Orsay) / Michèle Bellot Paris, musée d'Orsay, conservé au musée du Louvre – à Musée d'Orsay.

Claude Monet Iris mauves stamped with the signature 'Claude Monet' (Lugt 1819b; lower right); stamped again with the signature 'Claude Monet' (Lugt 1819b; on the reverse) oil on canvas, (200.5 x 100.5 cm.) Painted in 1914-1917 – à Musée national de Tokyo.

Vincent Van Gogh iris 1889 Saint Remy de Provence Oil, canvas, 93 x 71cm – à John Paul Getty Museum.

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